OCTOBRE 1
Des lanières de brume ondulaient à hauteur de phares comme rubans de gymnastes. Posée sur le chemin, la chouette d’Athéna m’a fixée, m’intimant l’ordre muet de m’arrêter. Alors elle a raffermi sa prise, une petite proie, et disparu d’un vol ample et silencieux.
Regard prégnant de chouette
Où flottent des rubans de brume
Pour un envol vers l’au-delà.
DE FIL EN AIGUILLE
Tricôtine, la petite main, ne veux pas entendre parler de couture. Ca m'arrange, je n'aime guère, et si je n'ai rien fait pour le poème du jeudi, qu'elle me pardonne, c'est que je suis allée aiguiser mes neurones à Pau, auprès des "Papous".
Il avait perdu le fil de ses pensées et avait les nerfs en pelote, à cause de ce tissu de mensonges débité par le cuistot à propos d’une mirobolante recette de potage aux perles du Japon. Plutôt que de se mettre du coton dans les oreilles pour ne plus l’entendre, il avait tourné le bouton de la radio au maximum. « Il ferait mieux de jouer aux dés, le patron, pour se détendre », pensait le cuistot qui, armé de son tranchoir, pour débiter une pièce de bœuf, failli se couper un doigt en apprenant par les infos que son frère venait de réussir l’ascension de l’Aiguille du Midi, par la face nord - en plein hiver.
RONDEAU POUR OCTOBRE
En Octobre, je voudrais faire rimer cinabre
Avec ambre, avec ocres ; avec des saveurs denses.
Une envie de marcher dans la forêt. Les arbres
Me sont frères. De l’humus monte un parfum : naissances.
Octobre, je voudrais faire rimer de l’ambre
Avec le grain des glands, avec les bogues rousses.
L’écorce est rêche sous mes doigts, ou douce. Mais l’ombre,
Protectrice, inquiétante : le plaisir et la frousse.
Octobre, hélas, tu rimes avec rimmel qui coule,
Parce qu’il a plu, parce que je pleure chaque jour.
Tes grands vents ont soufflé la mèche de l’amour.
Elle fume encore chaque matin de brume. La houle
Dans les houppiers détache une par une des feuilles.
On dirait le duvet de grands oiseaux nocturnes.
Octobre, j’ai envie de chausser des cothurnes,
Me parer de grelots, Polichinelle fille,
Et faire la folle, Octobre, une dernière fois
Avant qu’emmitouflée au coin du feu, je veille
En me brûlant les doigts aux marrons que l’on grille.
MELANCOLIE VARIATION 4
Sombres émulsions
D'émotions.
Velours poignant d'un pessimisme
Frangé de rires.
Ombres inquiétantes et légères
Comme celles d'une éclipse.
REGARD DE SEPTEMBRE
Une falaise ocre creusée d’ombres.
Au dessus, des pins, parasol et maritimes.
Des chênes verts.
Au pli avec la plage de grands platanes.
A peine roux.
Il n’y a pas d’oiseaux de mer,
Des enfants piaillent.
Une petite vague brise élégamment
Laissant quelques remous.
Sable et mica.
DANS LE TEMPS
Dans le temps déplié
La faucille de lune
Moissonne les comètes.
Dans le repli du temps
Quelque chose qui veille;
Un lien qui tout retient.
Dans le temps chiffonné
L'effroi éparpillé,
Quelque chose qui veille
Et qui moissonne en moi
La queue de la comète.
LE 22 SEPTEMBRE
Le 22 Septembre, vois-tu, Moog, c’est trop tôt.
C’est trop tôt, je l’espère, pour mettre soigneusement
Des papiers chiffonnés, et dessus des brindilles,
Restes d’arbres élagués dans le fond du jardin.
Il est trop tôt encore pour y mettre du bois
Plus ou moins odorant : prunier, figuier, laurier
Ou encore l’olivier, et puis de grosses bûches.
J’attends des jours plus courts,bourrasques de Novembre
Pour craquer l’allumette. Et peu de temps après
Crépitements, jeux d’ombres et lumières mouvantes
Égaieront la maison. Près de la cheminée,
Une pensée pour toi – quiétude partagée…
AU POULPE...
Au poulpe écartelé,
La douleur octuplée,
Deux cents valvules déployées,
- Sensibilité crucifiée ?
Sous les fourches caudines de la mort
Passe la vie.
Le poulpe épanoui
Ses huit pétales déployés
S’interroge-t-il aussi ?
TOUT BLEU
Moog nous propose de voir la vie en bleu... mais sans le dire, en aucune langue, et en 300 signes! J'en suis verte! Je n'ai pas compté...
Quand j’ai mélancolie
Quand j’ai du vague à l’âme
J’écoute un bon saxophoniste.
Quand le froid est très vif
Quand mon sang se retire
Je bois du thé dans un vieux Delft.
Quand je rêve du haut Nil,
Quand la Mer Rouge m’inspire,
Je n’en oublie pas les requins.
Quand j’ai mélancolie,
Quand j’ai du vague à l’âme
Je rêve du ciel et de la mer.
Quand j’ai mélancolie,
Quand j’ai la vie en pleurs,
J'ai les larmes lapis-lazuli…
évocation de la note bleue, de la faïence de Delft, des requins peau-bleue, du Nil bleu, du froid qui bleuit les lèvres et les doigts, de tous les bleus du ciel, de la mer, de la terre…
RIMES IMPOSEES
Ces rimes étaient imposées : chanson-gazon, fraises-treize, Champollion-camion, Gisèle-gazelle, bécasse-tracasse, miroir-tiroir, gang-boomerang, à utiliser librement.
(chez « les papous dans la tête »)
Oyez, oyez, cette chanson,
L’histoire de la pauvre Gisèle
Qui croyait aimer un maçon,
- C’était un chasseur de gazelles.
Elle était cueilleuse de fraises,
Il jouait du rugby à treize.
Il se prenait pour Champollion,
Elle aurait voulu un camion.
Un jour la traita de bécasse –
« Regarde-toi dans un miroir ! »
Faudrait pas que ça vous tracasse,
Mais elle sortit de son tiroir
Un os, un fémur de gazelle
Profilé comme un boomerang.
Lui lança à la tête, Gisèle,
Et elle décapita un gang !
Oyez, oyez, cette chanson,
L’histoire de la pauvre Gisèle
Qui croyait aimer un maçon,
C’était un gangster infidèle.