A DENIS TRICOT
[sculpteur d'arcs et orgues de bois, et son complice flûtiste, pour un concert en plein air au pied du moulin près duquel
j'habite, le 3 Octobre 2009]
Apportez des mots à moudre
N’ayez pas peur d’en découdre
Si la farine est trop fine
Le texte fera grise mine
Si vous y laissez du son
On peut en faire une chanson.
Chanson pour apaiser l’ogre
L’ogre qui sommeille dans l’orgue.
Joue la flûte: il sera poudre
Apportez des mots à moudre.
QU'Y A-T-IL?
Qu’y a-t-il dans notre peau d’homme ?
Du vulgaire, du bestial,
Du roc, du végétal ?
Que mettre dans notre peau d’Homme ?
Un peu de noblesse animale,
CADET LISTE 2
[18 février 2010]
Tous les beiges, tous les gris,
Tous les verts. Du blanc, des ocres.
Du lisse et du granuleux.
Du brillant, du mat,
Du lumineux et du terne ;
Du chaud et du frais,
Sec et humide, doux et salé.
Roches feuilletées scalpées par le gel.
Algues peignées, effluves de varech.
Bruit prégnant du flux.
Un petit ballon délavé
Déposé par l’eau sur le sable
Comme une évidence :
CADET LISTE 1
Ami croqueurs, j'aime bien les listes. C'est facile. Quand je manque d'inspiration, je vais à Cadet. C'est la première vraie plage sur la rive droite en descendant
l'estuaire. Elle est très belle, petite, sauvage; il faut la trouver et y descendre par 160 marches.
J'y suis allée hier, mais voici d'abord la 1, écrite le 14 Septembre 2009.
Un paquet de goémon
Une feuille de platane brunie
Une méduse retournée
-filaments en étoile de mer
Un bouquet d'algues vertes
Une laminaire avec son pied
Un feuille verte charnue
Deux méduses échouées
Un éboulis, des troncs flottés
Un gros caillou
Et des petits
Des traces de pas
Un petit éclat de tuile poli par l'eau
Un crabe crevé
De l'écume de mer
Un monsieur et son petit chien
L'ombre de la falaise sur le sable humide.
MOT DE TETE
Mot de tête n° 23 voir le sujet chez Brunô
Qu’est-ce qui sent mauvais comme ça, parmi les miettes de chocolatines abondamment tombées des bouches des huit gamins Trocmolle, pendant que leur mère, comme chaque Dimanche après la messe, hésite entre une tarte aux prunes, un Paris-Brest, un fraisier, ou alors pour changer des gâteaux individuels… ?
(Cui Cui) – non, en fait je traduis le parler merle en simultané – Comme d’habitude j’ai quitté mon perchoir, un tilleul de la place du marché d’où je domine l’étal de la boulangère, dès que les vibrations du onzième coup de cloche de l’église en face se sont atténuées, pour me poser sous les tréteaux et becqueter le plus possible de miettes avant que n’arrive la horde des moineaux.
Mais qu’est-ce qui sent mauvais comme – je vois, c’est le chien de la petite vieille aux cheveux courts. Elle tire de toutes ses forces sur la laisse de cet affreux roquet, pendant qu’il fait sa crotte, pour passer vite fait devant les trois clients qui bavardent en attendant leur tour. Ah ! Bien fait ! Ce monsieur guindé vient de lui marcher sur la queue en hésitant entre un bâtard et une miche…
Flûte, les moineaux. Je m’envole !
MICHEL LEIRIS
A Brunô, et tous les amis Croqueurs, j'offre ce Jeudi un poème de
Michel Leiris tiré du recueil "Ondes".
Marin
Il faudrait pouvoir bâtir un château
avec le sable qui vous glisse entre les doigts,
la quasi impondérable écume
et la lumière qui pénètre insidieusement votre peau.
CENDRES
Distique pour un Mercredi des cendres.
Ces amours de Dimanche n'étaient que feu de paille?
Il nous faut aujourd'hui en balayer les cendres...
MONOSTICHE
Nage lente des poissons rouges sous l'épais couvercle de glace.
A LA ST.VALENTIN
A la St. Valentin les oiseaux vont en couples :
Les rouges-gorges et les mésanges,
Les pinsons et les roitelets,
Accenteurs mouchets et moineaux,
Les tourterelles et les pigeons.
Mais de son pas de gentilhomme
Le faisan va tout seul.
CERTAINS REGARDS
Certains regards pénètrent loin et interrogent
Des voix impactent et secouent comme un punching-ball
Quand la vie par en vrac
Le trapèze des mots tend son perchoir mouvant
S’y accrocher, reprendre élan, oser le vide
La seule trace laissée est trace d’écriture
Avant que ne l’efface la vague de l’oubli.