MOT DE TETE
Mot de tête n° 23 voir le sujet chez Brunô
Qu’est-ce qui sent mauvais comme ça, parmi les miettes de chocolatines abondamment tombées des bouches des huit gamins Trocmolle, pendant que leur mère, comme chaque Dimanche après la messe, hésite entre une tarte aux prunes, un Paris-Brest, un fraisier, ou alors pour changer des gâteaux individuels… ?
(Cui Cui) – non, en fait je traduis le parler merle en simultané – Comme d’habitude j’ai quitté mon perchoir, un tilleul de la place du marché d’où je domine l’étal de la boulangère, dès que les vibrations du onzième coup de cloche de l’église en face se sont atténuées, pour me poser sous les tréteaux et becqueter le plus possible de miettes avant que n’arrive la horde des moineaux.
Mais qu’est-ce qui sent mauvais comme – je vois, c’est le chien de la petite vieille aux cheveux courts. Elle tire de toutes ses forces sur la laisse de cet affreux roquet, pendant qu’il fait sa crotte, pour passer vite fait devant les trois clients qui bavardent en attendant leur tour. Ah ! Bien fait ! Ce monsieur guindé vient de lui marcher sur la queue en hésitant entre un bâtard et une miche…
Flûte, les moineaux. Je m’envole !
MICHEL LEIRIS
A Brunô, et tous les amis Croqueurs, j'offre ce Jeudi un poème de
Michel Leiris tiré du recueil "Ondes".
Marin
Il faudrait pouvoir bâtir un château
avec le sable qui vous glisse entre les doigts,
la quasi impondérable écume
et la lumière qui pénètre insidieusement votre peau.
CENDRES
Distique pour un Mercredi des cendres.
Ces amours de Dimanche n'étaient que feu de paille?
Il nous faut aujourd'hui en balayer les cendres...
MONOSTICHE
Nage lente des poissons rouges sous l'épais couvercle de glace.
A LA ST.VALENTIN
A la St. Valentin les oiseaux vont en couples :
Les rouges-gorges et les mésanges,
Les pinsons et les roitelets,
Accenteurs mouchets et moineaux,
Les tourterelles et les pigeons.
Mais de son pas de gentilhomme
Le faisan va tout seul.
CERTAINS REGARDS
Certains regards pénètrent loin et interrogent
Des voix impactent et secouent comme un punching-ball
Quand la vie par en vrac
Le trapèze des mots tend son perchoir mouvant
S’y accrocher, reprendre élan, oser le vide
La seule trace laissée est trace d’écriture
Avant que ne l’efface la vague de l’oubli.
MOTS MIS
Déjà Jeudi! Je dois farfouiller dans des vieilleries pour honorer le rendez-vous.Il y avait des mots imposés que j'ai soulignés.
Bises, croqueurs.
J’ai mis des mots dans mon kaléidoscope.
Je l’ai fait tourner,
J’ai vu des textes flamboyants,
J’ai entendu des accents d’outre-ciel ;
Je l’ai tourné jusqu’à plus soif,
Et les accents se sont tressés :
J’ai entendu le chant du monde.
JE NE SUIS PAS
Je ne suis pas ce que je suis :
Juste un mot dit, un geste fait
Et toc on met une étiquette.
Je ne sais pas ce que je suis,
Par tant de non-dits traversée,
Des images qui se projettent.
Je crois sentir ce que je suis,
Intuitions et doutes mêlés,
Quelque chose au fond me reflète.
FROID
L’hiver affûte
La lame aigüe du gel.
Le vent percole
L’aile vive du froid.
Pris de frissons
Figés, le figuier tremble.
CHEVAUCHER LE SILENCE
Chevaucher le silence
Pour traverser l’énigme
De la règle de soi.
Mieux vaut choisir l’errance
Que certitudes en paradigmes
Pouvoir douter de moi.
Trouver dans le silence
Sa musique ; sans dogme ;
Murmure d’un chant de soi.