humeurs
PEUT-ON...
Peut-on nommer jardin ce lieu
Où lierre, orties, ronces, dominent –
Et j’y trouve un bonheur piquant ?
Où les figuiers se plaisent aussi,
Pruniers sauvages et amandier.
Sa terre m’accorde des patates,
Quelqu’haricots, quelques tomates –
Contre menus soins du matin
Et du soir.
Et toi, mon âme ?
Tu étais bon terreau, fertile.
Je t’ai peu cultivée.
Grande ardeur suivie de paresses -
Comme un négatif un peu flou
Dont on n’a pas tiré l’image…
IL Y A...
Il y a le sud,
Il y a le nord,
Qu’est-ce que ça veut dire, être à l’ouest ?
Il y a la vie,
Il y a la mort.
Qu’est-ce que ça peut faire, d’être à l’ouest ?
REBELLION...
Circoncision, être plus mâle ?...
Excision, être plus femme ?...
Décollation, être plus intégre ?…
Scarification, être plus soi-même ?…
Amputation, être plus véloce ?…
Castration, être plus fertile ?…
Epilation, être plus saint ?…
Choisir, adultes, nos mutilations !
SUR LE FOND
Sur le fond
Poulpe écartelé.
Chaque tentacule épinglé
Par l’entomologiste binaire.
Cœur palpitant, fragile, craintif, abandonné.
Becqueté, piétiné, méprisé
Par la multitude binaire.
QUAND LES FEUX...
Quand les feux d’artifices furent terminés.
Quand les derniers violoncelles eurent fini de jouer.
Quand les derniers projecteurs furent éteints.
Quand la foule parquée se fut dispersée
Après rituel festin de musiques et de sable,
Ne restait le matin sur la plage désertée
Parmi les empreintes des techniciens épuisés
Qu’un petit poisson en plastique
Près d’une sandale esseulée.
Un enfant quelque part avait chanté.
Quelque part avait dansé.
Quelque part crié de joie.
Crié, de peur.
Quelque part.
De douleur.
Quelque part.
Avait fini de jouer.
Un enfant.
Quelque part.
CONTE - FICTION
Quand les I eurent compris qu’à tuer les O à la naissance (ou les battre, les violer, les mutiler, les bâillonner, les voiler, les humilier), les O allaient venir à manquer, alors, ils se mirent à les élever. Comme des poules.
PEUR
Ne suis pas arbre.
Pas de racines.
Suis pas oiseau.
N’ai de bec.
Suis vivante.
Comme un arbre, respire.
Veux être oiseau peur de voler.
Peur.
Peur.
Peur.
Pouvoir d’un trait
De plume
Biffer la cage
Biffer la toile de radicelles
Qui m’emprisonnent.
Suis vivante.
Peur.
LE SANG
Le sang a douleur de cinabre,
Vermillon comme le sang chaud.
Les bouchers à grands coup de sabres
Ont l’habit rouge des bourreaux.
Le sang a couleur de cinabre.
Coule celui des innocents
Dans des nations qui se délabrent.
On tue. Et aussi des enfants.
Le sang a douleur de cinabre
Les snipers tirent sur ce qui bouge.
En Orient plus un homme glabre…
Un jour, la mer en sera rouge
De ce sang, couleur de cinabre.
HIVER
Sur un thème proposé par Fanfan
Hiver.
Le soleil qui se lève est si pâle
Il a l'air épuisé
D'avoir brillé
De tous côtés
Sur nos horreurs et sur nos frasques.
Hiver.
Je ne veux plus être Homme.
Qui viole, humilie et torture
Pour mieux tuer.
Être qui ne fait rien -intérêts souverains-
Hiver.
Le soleil est plus haut
Il ne réchauffe guère
Trop de guerres.
Si tous nous étions Femme?
Nous tiendrions peut-être dans le creux de nos mains
L'avenir incertain du genre humain.
Qu'est-ce que c'est qu'être un homme
Qu'est-ce qu'être une femme?
Soleil, vient réchauffer
L'Hiver au fond de moi.
COUPURE DE COURANT
Flamme de bougie vacille,
Souffle d’un monde incertain;
Pendant qu’à la braise grille
Une tranche de pain.