atelier d' ecriture
DE FIL EN AIGUILLE
Tricôtine, la petite main, ne veux pas entendre parler de couture. Ca m'arrange, je n'aime guère, et si je n'ai rien fait pour le poème du jeudi, qu'elle me pardonne, c'est que je suis allée aiguiser mes neurones à Pau, auprès des "Papous".
Il avait perdu le fil de ses pensées et avait les nerfs en pelote, à cause de ce tissu de mensonges débité par le cuistot à propos d’une mirobolante recette de potage aux perles du Japon. Plutôt que de se mettre du coton dans les oreilles pour ne plus l’entendre, il avait tourné le bouton de la radio au maximum. « Il ferait mieux de jouer aux dés, le patron, pour se détendre », pensait le cuistot qui, armé de son tranchoir, pour débiter une pièce de bœuf, failli se couper un doigt en apprenant par les infos que son frère venait de réussir l’ascension de l’Aiguille du Midi, par la face nord - en plein hiver.
LE 22 SEPTEMBRE
Le 22 Septembre, vois-tu, Moog, c’est trop tôt.
C’est trop tôt, je l’espère, pour mettre soigneusement
Des papiers chiffonnés, et dessus des brindilles,
Restes d’arbres élagués dans le fond du jardin.
Il est trop tôt encore pour y mettre du bois
Plus ou moins odorant : prunier, figuier, laurier
Ou encore l’olivier, et puis de grosses bûches.
J’attends des jours plus courts,bourrasques de Novembre
Pour craquer l’allumette. Et peu de temps après
Crépitements, jeux d’ombres et lumières mouvantes
Égaieront la maison. Près de la cheminée,
Une pensée pour toi – quiétude partagée…
TOUT BLEU
Moog nous propose de voir la vie en bleu... mais sans le dire, en aucune langue, et en 300 signes! J'en suis verte! Je n'ai pas compté...
Quand j’ai mélancolie
Quand j’ai du vague à l’âme
J’écoute un bon saxophoniste.
Quand le froid est très vif
Quand mon sang se retire
Je bois du thé dans un vieux Delft.
Quand je rêve du haut Nil,
Quand la Mer Rouge m’inspire,
Je n’en oublie pas les requins.
Quand j’ai mélancolie,
Quand j’ai du vague à l’âme
Je rêve du ciel et de la mer.
Quand j’ai mélancolie,
Quand j’ai la vie en pleurs,
J'ai les larmes lapis-lazuli…
évocation de la note bleue, de la faïence de Delft, des requins peau-bleue, du Nil bleu, du froid qui bleuit les lèvres et les doigts, de tous les bleus du ciel, de la mer, de la terre…
RIMES IMPOSEES
Ces rimes étaient imposées : chanson-gazon, fraises-treize, Champollion-camion, Gisèle-gazelle, bécasse-tracasse, miroir-tiroir, gang-boomerang, à utiliser librement.
(chez « les papous dans la tête »)
Oyez, oyez, cette chanson,
L’histoire de la pauvre Gisèle
Qui croyait aimer un maçon,
- C’était un chasseur de gazelles.
Elle était cueilleuse de fraises,
Il jouait du rugby à treize.
Il se prenait pour Champollion,
Elle aurait voulu un camion.
Un jour la traita de bécasse –
« Regarde-toi dans un miroir ! »
Faudrait pas que ça vous tracasse,
Mais elle sortit de son tiroir
Un os, un fémur de gazelle
Profilé comme un boomerang.
Lui lança à la tête, Gisèle,
Et elle décapita un gang !
Oyez, oyez, cette chanson,
L’histoire de la pauvre Gisèle
Qui croyait aimer un maçon,
C’était un gangster infidèle.
AUPRES DE MON ARBRE
Moog nous propose ce thème: "Auprès de mon arbre"
J’ai déjà parlé du figuier
Auprès duquel
Mieux vaut ne pas longtemps rester.
Je préfère ce baobab
Plutôt bonzaï
Qui pousse dans un pot (à barbe ?)
Celui-là peut, là où j’irai,
M’accompagner.
Mes chers amis, quand je mourrai,
Mettez le pot du baobab
Au cénotaphe
D’une improbable Nounedeb.
INVITATION POUR UN REPAS VIRTUEL
A la manière de...Chère Eglantine, je t'invite à partager ce repas.
Peindre d’abord une table
Avec une jolie nappe,
Peindre ensuite des assiettes,
Des couverts,
Et de beaux verres aussi,
Toutes ces choses utiles
Aux invités.
Placer ensuite la table sous un arbre,
Dans un jardin.
Se cacher sous la table
Sans bouger
Attendre.
Parfois les invités arrivent vite
Mais ils peuvent aussi mettre de longues heures
Avant s’attabler.
Ne pas se décourager,
Attendre.
Attendre s’il le faut en laissant tout brûler.
Quand les invités viennent,
S’ils viennent,
Remplir alors leur verre
Espérant qu’ils s’assoient.
Et quand ils sont assis
Peindre délicatement les mets
Dans leur assiette
Peindre tous les parfums,
Saveurs salées, sucrées.
Si les invités rient,
Le repas est mauvais.
Mais s’ils sourient
C’est bon signe,
Signe que vous pouvez
Tirer tout doucement la nappe
Et la secouer.
Pfft, et tout disparaît.
TOUT LE MONDE VEUT PRENDRE SA PLACE
"Tout le monde veut prendre sa place "
De Lilou
Si j’avais été tigresse –
Ça commence mal, pour quelqu’un
Qui n’aime pas les rimes en esse.
Je vais donc choisir le bonze.
Si j’avais été bonzesse –
Je m’égare, rassemblons nos
Esprits flottants, coup de gong.
Je serai donc Dame Nonne
Qui dorlote ce tigron
En qui elle a reconnu
La nouvelle incarnation
De l’illustre Clémenceau.
COMME UN VOYAGE...
Chère Lenaïg, me voici au rendez-vous, avec un très léger bagage pour un semblant de voyage...
Un poème, c’est comme un nuage
De sensations en suspension,
De mots diffus.
Il suffit d’un hasard infime
Pour que le poème s’écrive.
Un poème, c’est comme un voyage
Dans un univers d’émotions,
Flux et reflux.
Affleurement de choses intimes
Pour que le poème s’écrive.
POEME DéLURé
A la demande de Commios
Pour faire un poème déluré
Prendre une cape de vertu
S’y draper et d’un air hautain
S’avancer, regard élevé
D’une déesse au pied menu.
Qu’elle dérape, c’est le gadin,
Et d’un coup la cape envolée !
Dessous, vois, la belle était nue.
Elle était sans vertugadin.
AU BISTROT
Au bistrot on boit sans soif,
A « poésiedebistrot » on écrit sans E
Ayant pris pour plat principal un ragoût, non, plutôt un couscous royal au mouton rôti – pour sûr son plat favori, mon voisin, un individu pas français natif d’Honolulu à Hawaï prit pour finir cinq ou six fruits. Mais il avala par hasard un noyau. Craignant l’occlusion, on manda un toubib. Il vint un grand gaillard barbu qui avait fait jadis un tabac dans l’art floral, dansant la polka sur un tapis d’iris. Bon. Diagnostic : trop d’alcool, surtout whisky-coca.
L’individu, baragouinant dans son sabir, s’assit au balcon du bistrot. Il fuma alors un bon cigarillo. Soudain, sans souci pour son mal, il prit, au hasard, un tuba, car il maîtrisait aussi, parait-il, violon, saxo, harmonica. Pas du piano, pourtant « qui va piano va sano »… Il aligna tangos à mazurkas, mais tout tombait à plat car un son nasillard sortait du gros tuba.
Galant, il avait mis son pull jacquard sur mon dos – il faisait froid. J’avais pris mon stylo. J’ai mis trois mots, ou cinq : un haïku, quoi, sur l’étui du tuba, disant grosso modo : Bravo !
A la minuit, j’avais un gros diamant au doigt !