PARTAGE GOURMAND
Essai d'évocation d'un partage gourmand, à la santé d'Anne Le Sonneur.
Galette
Que l’on partage en autant de convives.
Le plus petit va sous la table.
Pour qui cette part ? Il faut nommer chacun
Sans oubli. Si l’on est tout petit, c’est l'amour,
Spontané, qui parle ; et si l’on est plus grand,
Déjà, diplomatie, politique peut-être ?
Puis on mange sa part. Les petits doigts fouillant
Dans l’espoir de la fève – ou des pensées secrètes :
Pourvu qu’on ne l’ait pas.
Elle est trouvée. Vive la Reine, ou bien le Roi.
On boit gaiement. La galette était un soleil.
On a mangé son coeur, avec tous ses rayons.
CADET
Falaise aux colonnes sans métopes,
Striée de rides et de méplats,
J’ai écouté battre ton cœur
A tous ces petits orifices ronds,
Profonds
Comme des conduits auditifs.
Il était silencieux
Mais de l’eau vive s’écoulait
Fraîche et pure, chantante,
De cette source comme un sexe de femme,
S’écoulait dans le sable -
Inflorescences bues.
Aux aisselles lui poussent des buissons.
Un mamelon grêlé
Emerge hors du sable.
Parfois de l’eau suintante lui fait la peau lustrée,
Ou le grain sec et chaud quand la roche est foncée :
Rouilles, bruns, ardoise, anthracite,
Ou claire et presque froide :
Crème, beiges, ou gris bleutés.
Teintures végétales
Pour des phanères ensoleillés :
Vert pré, vert épinard, vert mousse -
Quelle étrange sororité je sens
Entre la roche et l'être humain.
RECETTE
Pour le défi fou d’Anne le Sonneur, j’ai trouvé une folle recette que vous pouvez lire en cliquant à gauche sur « page ».
J’y ai choisi 10 mots au hasard, ils sont soulignés, et j’ai réécrit la recette :
Entre jatte et terrine, il faut choisir, pour y verser le lait. Allumer le four à feu doux sans que l’œuf devienne poussin. Peser de la farine, parsemer de levain, laisser reposer avant cuire.
A partir de là, j’ai fait vaguement exactement ce qu’ Anne a demandé. Je l'essaierai à Pâques ou à la Trinité :
Entre celui pourvu d’un beau cul et celui où niche le pâté, il faut faire comme Pâris, pour le bonheur d’Homère et le malheur des grecs ; verser le doux liquide blanc sorti de la mamelle. Eveiller lors la flamme promptement – gare au poulet ! Evaluer la farine, semer par-ci par-là un peu de matière féconde oubliée dans un coin. Farniente tant que la chaleur s’élève à canicule requise.
Croqueurs, à vos fouets !
FEVRIER 2011 2
Les rides sur le sable :
Partition inconnue
Que seule la mer déchiffre.
NAUSEE
Suspendue
Fil de soie ténu
Tendu
La vie
Shiva agitant ses huit pattes
Araignée pendue
Menacée d’un talon
De ciel à terre
Soleil à nuit
Froid glacé ou touffeur
Nul cri ne sort gosier noué
La douleur enfouie plie en deux
Nausée
Vide ou manque
Ombre cachée mirage
Comblés peu à peu
Quelque chose plutôt que rien?
FEVRIER 2011 1
Des larmes retenues.
Chagrin rentré
Aux bourgeons du poirier.
MET DE CHOIX
Un met de choix pour Anne Le Sonneur.
Le riz, comme le thé, me plait.
Est-ce un fumet ancien d’une vie antérieure ?
Le riz, sans autre apprêt, se suffit à lui-même
Qu’il soit simple, ou bien thaï, ou encore basmati
Mais surtout pas « précuit », car l’art est de le cuire.
Le reste est accessoires, fioritures baroques,
Saveurs fleuries d’épices que le riz seul exalte.
Manger tranquillement. Il voulait dire repas
En Chine ancienne : « As-tu bien pris ton riz du soir ? »
Dit-on toujours ainsi dans la Chine nouvelle ?
MALEDICTION
Savez-vous mieux que moi, lettrés et érudits,
Si elle s'arrêtera, pour le héros fourbu,
Cette malédiction qui l'oblige à présent
A arpenter le monde, portant sur son épaule
La longue pelle à grain. Qui le reconnaîtrait
Lui permettrait-il bien le retour au foyer?
JANVIER 2011 FIN
Froide fin de Janvier.
Un encéphalogramme plat
Météorologique.