JACQUES ROUBAUD
Et pour répondre au thème proposé par Jeanne Fadosi: jeux et/ou jouets d'enfants, ce poème de Jacques Roubaud, en forme de jeux de mots (collection volubile chez Seghers).
Le tatou ayant cloué
sur son dos sa carapace
s'en va au bistrot d'en face
à la belote jouer
à son cou, élégant, noué
un foulard de soie dépasse
jovial, sûr de lui, bonasse
voilà ce que le tatou est
le tatou tate sa tatin
on joue tati à la télé
tatum au juke-box, o tatou
t'as tout l'air d'un tatou, t'as tout:
tétous, tutti, tout! t'as ton teint
t'es tatoué, mais, tatou, que t'es laid!
COMME UNE...
Comme
Une araignée
Je me balance au bout
Du fil frêle de la vie.
MAI 2012 6
J’ai tondu l’archipel,
J’ai lancé des limaces.
Je secoue à présent les roses.
Bientôt je sucrerai les fraises.
CHARMANT PETIT GARCON...
A l'abordage ! le défi n°81 de Jeanne Fadosi
illustration extraite d'un numéro du journal "La mode illustrée" de 1870
ROBE POUR PETIT GARCON DE DEUX A TROIS ANS
(Explication sur la planche de patrons)
Vous donnerez à votre texte (pas trop long) la forme que vous souhaitez (prose, vers, calligramme,etc.),à partir de ce que vous inspire cette image.
Charmant petit garçon qui joue
Bien au chaud dans sa robe
Bien à l’aise dans sa robe!
Savez-vous comme on y est bien
Sans rien dessous ?
Juste une robe
De chambre, d’été, robe à paniers
Pour aller faire son marché.
Robe de bure, robe des champs.
Ample, elle dissimule les formes
Ou l’explosif…
Moulante et sensuelle on ne peut rien cacher
On est à nu tout habillé.
Charmant petit garçon
Nos hommes
Connaîtront-ils un jour
La liberté d’oser la robe ?
C’est juste une question de mode.
MAI 2012 5
Ces petits cumulus,
Non plus des tavelures,
Mais taches de rousseur.
Blanches.
Le ciel a rajeuni.
BOOGIE WOOGIE
Ordinateur en transe
Nounedeb à la ramasse
Je pare au plus pressé hors de chez moi
Pas de lectures, pas de coms, pas de textes...
Retour à la vraie vie ..?
J'AI PRIS
J’ai pris mon dail
Fauché orties et hautes herbes
Et toi grande Faucheuse
Comment feras-tu choir mon andain ?
ST. JOHN PERSE
Chère Jeanne, je t'offre aujourd'hui un extrait de "Oiseaux" de St. John Perse.
X
Gratitude du vol!...Ceux-ci en firent leur délice.
Sur toutes mesures du temps loisible, et de l'espace, délectable, ils étendent leur loisir et leur délectation: oiseaux du plus long jour et du plus long grief...
Plus qu'ils ne volent, ils viennent à part entière au délice de l'être: oiseaux du plus long jour et du plus long propos, avec leur front de nouveau-né ou de dauphin des fables...
Ils passent, c'est durer, ou croisent, c'est régner: oiseaux du plus long jour et du plus long désir...L'espace nourricier leur ouvre son épaisseur charnelle, et leur maturité s'éveille au lit même du vent.
Gratitude du vol!...Et l'étirement du long désir est tel, et de telle puissance, qu'il leur imprime parfois ce gauchissement de l'aile qu'on voit, au fond des nuits australes, dans l'armature défaillante de la Croix du Sud...
Longue jouissance et long mutisme... Nul sifflement, là-haut, de frondes ni de faux. Ils naviguaient déjà tous feux éteints, quand descendit sur eux la surdité des dieux...
Et qui donc sut jamais si, sous la triple paupière aux teintes ardoisées, l'ivresse ou l'affre du plaisir leur tenait l'oeil mi-clos? Effusion faite permanence, et l'immersion, totale...
A mi-hauteur entre ciel et mer, entre un amont et un aval d'éternité, se frayant route d'éternité, ils sont nos médiateurs, et tendent de tout l'être à l'étendue de l'être...
Leur ligne de vol est latitude, à l'image du temps comme nous l'accomodons. Ils nous passent toujours par le travers du songe, comme locustes devant la face... Ils suivent à longueur de temps leurs pistes sans ombrage, et se couvrent de l'aile, dans midi, comme du souci des rois et des prophètes.
(Gallimard. NRF. Oeuvres complètes)